Pog: « Un polar en Bretagne »

Difficile de ne pas évoquer « Blacksad » à la découverte de cet attachant mais têtu Mulo. Ce nouveau héros créé par Pog et superbement dessiné par Cédrick Le Bihan tire cependant son épingle du jeu avec brio.

Est-ce que vous aviez dès le départ l’envie de raconter cette histoire avec des animaux ?
Pog. Les animaux ont toujours été une évidence sur ce projet. Avec Cédrick, nous avions envie de travailler ensemble, et très vite je lui ai proposé de plancher sur un polar en Bretagne. Au cours de nos discussions, la chanson de Tri Yann s’est invitée avec son trio de méchants: « J’entends le loup, le renard et la belette ». Le héros était dans le couplet suivant, mais plutôt qu’un poulain, on s’est dit qu’un mulet ferait un héros plus avantageux. C’est ainsi qu’est né Mulo, une tête de mule, un bâtard à la recherche de ses origines.

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On pense forcément à « Blacksad ». Est-ce que cette référence ne vous met pas trop de pression ?
P. Un peu quand même (rires) ! Nous sommes bien sûr tous deux très admiratifs du travail de Guarnido et Diaz. Je me souviens très bien de la sortie du tome 1 de « Blacksad » sur lequel j’avais flashé. Sans doute aussi parce qu’enfant, j’étais fasciné par les adaptations en dessins animés de Sherlock Holmes, des « Trois mousquetaires » ou du « Tour du monde en 80 jours » où les héros étaient tous anthropomorphes. La comparaison avec « Blacksad » reviendra sans doute souvent, mais nous n’avons pas cherché à nous mesurer à ce gros matou. Cédrick a son propre style et Mulo a, je l’espère, sa propre couleur.

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L’histoire est rythmée par des chapitres très courts introduits par des dictons bretons…
P. J’ai toujours bien aimé les dictons qui amènent un sourire ou un trait d’esprit. Ici, l’idée était que les dictons (tout comme les cabochons) fassent écho au récit, même si ce n’est qu’à la relecture qu’on comprend ce qu’ils font là. Nous sommes ravis que François Le Bescond (notre éditeur) nous ait permis d’ajouter ces petits « bonus ». Dans le tome 2, nous quitterons la Bretagne et les dictons seront remplacés par autre chose… Mais je vous laisse la surprise !

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Cédrick Le Bihan, dont les dessins sont magnifiques, utilise beaucoup de grandes cases…
P. Les dessins de Cédrick sont effectivement magnifiques ! Dès le début, j’ai eu envie que son trait et ses couleurs soient valorisés par de grandes cases où les bulles ne viennent pas manger l’espace disponible. Je lui ai proposé un découpage très aéré afin qu’il puisse rendre justice aux paysages de cette belle région. J’avais envie que l’on ressente l’iode, les embruns, le temps changeant. Pari qu’il a mon sens relevé haut la main !



Comment avez-vous collaboré ?
P. Avec Cédrick, nous avons des échanges presque quotidiens, avec beaucoup d’aller-retours. Il a amené beaucoup d’idées au projet sur lequel il s’est donné sans compter. Il est très à l’écoute et ultra perfectionniste. En un mot, du bonheur !

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En scrutant les planches de ce premier tome, on découvre des références à Breaking Bad ou au chanteur Miossec. C’est important de mettre ce que l’on aime dans son histoire ? Cela lui donne plus de vie ?
P. Miossec c’est Cédrick, Breaking Bad, c’est moi ! Effectivement, nous nous sommes fait plaisir. Cédrick est très friand de ce genre de petits détails, et dès que cela s’y prête, il me propose d’ajouter mes propres clins d’œil. Des tags aux tatouages, nous en avons adressé plusieurs à nos amis et à nos proches. Le lecteur ne les percevra pas, mais malgré tout, oui, je pense que cela nourrit l’univers de cet album. 



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Contrairement à de nombreux premiers tomes qui présentent les personnages, on apprend peu de choses sur la vie actuelle de Mulo. Est-ce une façon d’en garder sous le pied pour le tome 2 ?
P. Mulo est un jeune homme sympa et discret, du genre solitaire. C’est en parlant de son côté taiseux avec François qu’est venue l’idée d’ajouter cette scène au tout début, où le conducteur essaie de lui tirer les vers du nez. On en apprendra effectivement un peu plus sur lui dans le tome 2. Et dans chaque tome suivant si le public est au rendez-vous et que nous avons la chance de pouvoir les réaliser ! 



On l’imagine détective privé. On pourrait être surpris par le tome 2 ?
P. Ah, non désolé ! Mulo n’est pas détective privé ! Il roule juste sa bosse là où le vent le mène en subsistant de petits boulots. Le tome 2 prendra la forme d’un huis clos, où Mulo en apprendra un peu plus sur sa famille…

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Multo, tome 1. Crachin breton » par Pog et Cédrick Le Bihan. Dargaud. 15,99 euros.

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