Patrice Ordas: « Au plus près de la réalité »

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Unique Français présent lors du siège d’Al Alamo, Moses Rose a ensuite été accusé de désertion. Le scénariste Patrice Ordas n’y croit pas un instant et construit son récit sur des bases historiques solides.

mosesrose1.jpgComment est né ce personnage de Moses Rose, qui se bat pour prouver qu’il n’a pas déserté pendant la bataille de Fort Alamo ?
Patrice Ordas. Lorsque la France a refusé de s’engager dans la guerre contre l’Irak, certains « faucons » américains n’ont pas hésité à traiter notre pays de lâche en rappelant qu’il s’agissait là d’un défaut ancestral comme en témoignait la désertion du seul Français présent lors du siège d’El Alamo. Je suppose que nos détracteurs étaient Texans et qu’ils avaient la mémoire assez courte pour omettre les rôles de La Fayette et de Rochambeau mais, on connaît l’esprit d’ouverture des assassins de Kennedy. Bref, le supposé déserteur se nommait Louis – dit Moses – Rose.

Ce combat pour sauver son honneur rappelle un peu « Le Fugitif »…
P.O. Rose n’avait plus rien à prouver de son courage. Ancien lieutenant de cuirassier de la grande armée impériale, « Vieille Moustache », vétéran de terribles combats, titulaire de la Bamboche, la Légion d’honneur, il semble difficile d’imaginer qu’il ait fui devant les régiments de Santa-Anna après dix des treize jours du siège. D’autant qu’il était un proche de James Bowie, aux côtés duquel il avait combattu les Mexicains, lequel n’était pas connu pour apprécier les pleutres.



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Ce western s’inscrit dans l’histoire avec beaucoup de références…
P.O. Je ne suis pas historien pour répondre objectivement aux questions que pose l’Histoire mais, m’intéressant aux faits non expliqués, mon privilège de scénariste est d’imaginer ce qui pourrait suivre le point d’interrogation. J’en profite en m’efforçant de rester plausible. Raison pour laquelle je me soucie de l’authenticité des détails. Une erreur de date, de costume, d’arme seraient autant de tâches sur un scénario qui, pour moi, perdrait dans ce cas toute crédibilité. John Wayne a réalisé un film enthousiasmant mais truffé de bourdes. Historiquement, le film de John Lee Hancock lui est infiniment supérieur mais, leurs buts étaient différents. Être au plus près de la réalité n’est pas une envie, c’est un besoin et une exigence personnelle, même si le résultat est moins « vendeur ». On peut inventer une réplique ou un geste, on ne peut pas mettre en scène des anachronismes.

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Dans ce premier tome, Moses Rose traverse le bayou, affronte des Acadiens puis se trouve confronté aux Comanches. L’idée est de donner un souffle épique à son périple ?
P.O. La traversée du bayou est, en fait, géographiquement quasi obligatoire et il était effectivement hanté par une faune d’exclus d’origines mêlées. Il était impossible d’y naviguer sans croiser ces pirates et les rencontres étaient rarement amicales. J’ai donc, une fois encore, profité du contexte mais, sans la volonté particulière de conférer un souffle épique à l’aventure. À cette époque et dans ces lieux, tout était épique au quotidien parce que tout était une conquête. Même chose concernant les Comanches dont la présence est légitime. Ils étaient sur leur territoire. Je ne peux pas les éviter donc, je m’en sers.

Cette série est présentée comme une trilogie mais vous annoncez la suite et la fin de l’histoire dans le tome 2. Qu’avez-vous prévu ?
P.O. Sauf désaffection des lecteurs, il y aura trois tomes au terme desquels, j’aurai, je l’espère, donné de Louis Rose une meilleure image, sans pour cela en faire un héros de légende qu’il n’a pas été non plus. Il appartient à la longue cohorte des humbles qui auraient sans aucun doute préféré ne pas faire partie de la mémoire de la grande Histoire. C’est le principe de chacun de mes récits : accompagner un pauvre bonhomme égaré dans la tourmente d’événements extraordinaires.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

Moses Rose », tome 1. « La balade de l’Alamo » par Patrick Cotias et Patrice Ordas. Grand Angle. 13,50 euros.

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