Olivier Cinna: « L’influence du manga »

Plus qu’une adaptation d’une nouvelle, « Hibakusha » associe l’écriture de Thilde Barboni et l’univers graphique d’Olivier Cenna. Ce dernier profite de cette magnifique histoire d’amour dans le Hiroshima de 1945 pour livrer des images éblouissantes et lumineuses.

Avez-vous lu la nouvelle dont est adapté « Hibakusha »?
Olivier Cinna. Bien sûr. C’est même ce qui m’a donné envie de réaliser ce projet. J’ai lu la nouvelle, qui s’appelle Fin de transmission, après qu’un ami m’ait présenté Thilde Barboni. Son texte m’a beaucoup intrigué, notamment en raison d’une voix off mystérieuse. Je ne veux pas en dire davantage pour ne pas trop spoiler.



Qu’est-ce que vous avez essayé d’apporter en plus avec cette version graphique ??
O. C. 
La mise en scène. L’éditeur voulait que Thilde découpe l’histoire case par case, mais c’était du coup très froid. Or, ce qui m’avait charmé dans « Fin de transmission », c’est son écriture. Vu que ce que j’aime, c’est la mise en scène, nous avons donc travaillé ensemble avec Thilde. Elle me décrivait la scène, me donner les dialogues puis nous échangions dans une sorte de ping-pong jusqu’à la version finale. Il fallait qu’on ait l’impression que l’œuvre émane d’une seule et même personne. 



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Dans la mise en scène justement, vous avez dessiné beaucoup de visages en gros plan…
O. C. Cela permet de rester sur l’émotion des personnages. C’est aussi l’influence du manga. J’en ai lu pas mal et de tout type, mais suis plus proche de Ikkyu ou de Tesuka. Les auteurs de manga utilisent beaucoup le gros plan, car ça renvoie au lecteur. C’est encore plus vrai quand on a un visage de face, car le personnage s’adresse à nous. J’aime beaucoup cela.



Il y a aussi cette ombre qui reste gravée sur la pierre après l’explosion…
O. C. J’aime bien ce côté un peu quatrième dimension. C’est une magnifique image et une belle idée d’imaginer que ces êtres continuent à vivre sous cette forme. C’est un peu comme la trace du passage des humains dans les grottes de Lascaux.



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L’histoire a beaucoup évolué entre la nouvelle et la bande dessinée ?
O. C. Il est intéressant de partir d’une nouvelle, car on peut y ajouter des choses et on n’est pas obligé d’en enlever. Vu que je postais beaucoup de dessins de geishas, on en a discuté avec Thilde pour faire quelque chose qui rejoigne mon univers graphique. Par exemple, la relation entre le traducteur et la Japonaise n’existait pas dans l’histoire. 



Comment avez-vous abordé les planches qui décrivent l’explosion d’Hiroshima ?
O. C. On était d’accord pour ne pas représenter le champignon atomique, car déjà trop vu. On voulait que ça reste sur un rapport très humain. Lorsque j’ai regardé des images du Dôme de Genbaku, que l’on voit dans l’histoire et qui est aujourd’hui devenu un musée, j’ai été frappé par un tricycle d’enfant. C’est pour cela que dans la page précédente, j’ai dessiné une grande image avec un petit gamin sur un tricycle. Il y a aussi cette montre qui s’arrête à l’heure pile où la bombe est tombée. Je trouvais cela intéressant de reprendre ces éléments pour aborder cette explosion avec un rapport plus humain.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Hibakusha » d’Olivier Cinna et Thilde Barboni. Dupuis. 16,50 euros.

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