Griffo: « Une expérience rare »

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Avec « Sherman », un thriller noir particulièrement réussi, le dessinateur Griffo a dû faire vivre ses personnages sur quarante ans. Et il a trouvé cela passionnant.

Dans « Sherman », on se rend rapidement compte qu’il n’y a pas vraiment de gentil. C’est quelque chose qui vous a plu dans le scénario ?
Griffo. Jay Sherman est surtout un personnage complexe. Ce qu’il fait pour atteindre son but n’est effectivement pas un chemin de roses, mais en suivant son trajet, on apprend aussi à voir son côté humain. Il a donc plusieurs dimensions, ce qui le rend plus difficile à juger.

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Sherman se déroule sur plusieurs époques. C’était graphiquement plutôt une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Griffo. J’ai l’habitude de travailler sur des scénarios historiques comme Giacomo C, Cinjis Qan, Sade,… J’ai donc abordé l’histoire de Sherman comme un thriller noir avec un côté historique. En plus, j’adore la ville de New York et son histoire. J’y ai été plusieurs fois et me plonger dans les vieilles photos de la ville était un « trip » merveilleux.



Cela vous oblige à dessiner chaque personnage à des âges différents. C’est un exercice difficile, pour que le lecteur les reconnaisse d’un seul coup d’œil ?
Griffo. Ce n’était effectivement pas évident de développer des personnages à travers 40 ans de leurs existences, mais c’était aussi passionnant de les développer ainsi. C’est comme les avoir connus toute la vie. Pour un dessinateur, c’est une expérience qui n’arrive pas très souvent dans une bande dessinée.

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Avez-vous une préférence pour une époque particulière ?
Griffo. Je pense que si on aime l’histoire en général, chaque époque est intéressante puisqu’elles forment une part de ce que nous sommes aujourd’hui. J’ai toujours été attiré par le XVIIIe siècle. C’est l’époque de l’illustration et le début des temps modernes, des évolutions sociales. Je préfère aussi la musique baroque sur les romantiques en général. Et puis, les mœurs étaient plus libres et moins coincées qu’au siècle suivant.



Êtes-vous un dessinateur très pointilleux sur les détails ou préférez-vous privilégier l’ambiance ?
Griffo. Un peu des deux… J’ai la tendance à me perdre dans les détails. C’est donc toujours un travail d’équilibre entre deux exigences qui sont très importantes pour pouvoir entrer dans l’histoire.

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Quand on évoque l’Amérique de la première moitié du XIXe siècle, on pense aux Incorruptibles, à Robert de Niro…
Griffo.
Le cinéma était bien sûr une source obligatoire pour créer la série « Sherman ». La liste des films visionnés serait trop longue à mentionner ici, mais je vous en donne quand même quelques-uns : « Il était une fois en Amérique », « Le parrain », « La maison de la 92e rue », « Boulevard du crépuscule », « Casablanca », « Le faucon maltais », « Le dernier nabab », « Cotton club », « Gatsby le magnifique, »… Et puis pour les années de guerre : « La chute », « Walkyrie », « Le pianiste » ou encore « Les faussaires ». Tout cela sans parler des films muets et de ceux des années 20 et 30 où j’ai découvert de vrais chefs-d’œuvre.

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Et pour les visages de vos personnages ?
Griffo.
Pour Jay, je ne me suis pas inspiré d’un acteur en particulier, mais j’ai tout de même créé un look assez Robert Mitchum. Après tout, c’est un self-made-man qui vient de la rue et devait contraster avec Sterling, son adversaire, qui est lui un homme issu d’Harvard. Pour les femmes, il y a les beautés comme Lauren Bacall et Ingrid Bergman bien sûr. Ce que j’ai pris de ces anciens films, ce sont surtout les angles de caméra et les attitudes des personnages. Ils bougent d’une façon différente que dans les films contemporains. Madmen m’a aussi servi à ce niveau-là.

Emmanuel LAFROGNE

« Sherman » (T3. La passion) par Griffo et Desberg, Le Lombard. 11,95 euros.

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