Geoffroy Monde : « Il y a plusieurs formes d’absurde »

Collection indispensable pour découvrir toute la richesse et la variété des jeunes auteurs de Fluide Glacial, « l’Institut » consacre son deuxième tome à l’humour absurde de Geoffroy Monde.

Est-ce vous qui avait choisi Goossens comme parrain ou l’inverse?
Geoffroy Monde.
C’est Clément Argouarch, qui s’occupe de la collection, qui m’a proposé que Goossens soit le parrain de l’album, avant même de lui demander son avis, je pense. Pour être honnête, sans ça, l’album n’aurait peut-être pas existé, car c’est clairement l’auteur que j’aurais moi-même choisi si j’avais carte blanche !

C’est l’auteur de Fluide le plus en phase avec votre humour?
G.M.
En phase avec mon humour actuel, je ne sais pas, mais je dirais que c’est clairement le plus influent de la revue, en ce qui concerne mes débuts dans la bd d’humour, même bien avant mes premières publications. L’influence est assez évidente, par exemple, dans des bandes dessinées comme Serge et Demi-Serge (éditions Vide Cocagne).

L’histoire « La nouvelle guerre mondiale » m’a aussi fait penser aux « Idées noires » de Franquin. Est-ce aussi l’une de vos références?
G.M.
Non, je dois avouer que je ne suis pas très sensible au travail de Franquin, aussi bien dans le fond que la forme.

Vous appréciez beaucoup jouer avec l’absurde. D’où cela vous vient?
G.M.
Probablement l’humour familial, avec tout ce que ça implique de références dans mon enfance : regarder les Monty Python à 10 ans, lire les Gotlib de mes parents,…

Dans l’interview croisée en fin d’album, vous expliquez éviter l’absurde gratuit, qui n’a pas de sens seulement pour ne pas avoir de sens. Il existe beaucoup de sortes d’absurde?
G.M.
Je ne sais pas si j’en ai déjà fait un inventaire exhaustif dans ma tête, mais je dirais qu’il y en a en effet plusieurs, mais pas des milliers non plus. Ce serait sûrement laborieux car le nombre de catégories va de pair avec le nombre d’autres formes d’humour existantes. Par exemple l’absurde teinté d’humour noir, l’absurde plus politiquement chargé, le jeu de mot absurde (qui désamorce le principe du jeu de mot traditionnel)… Mais peut-être qu’on peut aussi simplement catégoriser l’absurde selon sa charge en « sens » – dans quel cas, la première catégorie serait celle, vide, de l’absurde pour l’absurde. Peut-être qu’un jour je m’attèlerai à en proposer une classification. J’en ferai un livre, et je demanderai une énorme avance à l’éditeur pour être défrayé du mal de crâne (sourire).

Votre première histoire « Le dernier jour de l’été » peut surprendre par le caractère très littéraire de vos dialogues. C’est aussi une façon de surprendre?
G.M.
Oui, même si pour le coup, je ne suis pas non plus super fier de ce ressort-là, qui finalement est assez convenu en humour – absurde ou non. Le détournement de la « verve littéraire » pour faire survenir un élément du langage qui n’a pas sa place (souvent, un élément vulgaire) n’est pas un mécanisme très frais. Dans cette histoire je suis davantage satisfait par la chute, qui est nulle et grotesque comme j’aime.

Comme L’abbé avant vous dans cette collection « L’institut », vous présentez une grande variété de styles graphiques. Est-ce désormais important pour de jeunes auteurs?
G.M.
Je sais que c’est important pour moi, mais je dirais que globalement, les auteur/ices ont plutôt tendance à se chercher un style fixe et à s’y tenir une fois celui-ci trouvé. Mais du coup, c’est vrai que de 20 à 30 ans, la plupart des jeunes auteur/ices vont expérimenter différents styles. Mais je crois qu’après 30 ans, la plupart s’arrêtent sur le style qui (leur) plaît. Et je pense que commercialement, c’est d’ailleurs plus intelligent. J’ai parfois des éditeurs qui me proposent des projets avec le souhait que je les exploite dans le style graphique de ma trilogie « Poussière », à peu près similaire à celui de l’histoire « Florence » dans le recueil. Or ça ne m’intéresse plus du tout de dessiner dans ce style, donc je me retrouve à refuser pas mal de trucs. Et pas sûr que cette diversité de style soit également bénéfique pour rendre mon travail identifiable dans l’esprit des lecteur/ices.

Dans cet album, on trouve des histoires de Batman, de Superman et d’une bande de super-héros « à la Marvel ». Est-ce jubilatoire de détourner ces icônes de la pop culture ?
G.M.
Oui, c’est encore un travail parodique très convenu, mais ça reste jouissif. Surtout, de trouver précisément des parodies qui n’aient pas été faites, tellement ces icônes ont été moquées à toutes les sauces à ce stade (au sein même des œuvres officielles). Je rêve qu’un jour on me refile une vraie grosse licence à exploiter avec carte blanche, mais je ne sais pas si mes conneries de Batman le Dragon peuvent vraiment séduire les gens chez DC.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« L’institut fluide glacial – Tome 2 : Geoffroy Monde » par Geoffroy Monde. Fluide Glacial. 10,95 euros.

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