Eric Corbeyran: Histoires parallèles

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« Uchronie[s] », la nouvelle série du créateur des Stryges, se déroule dans trois futurs aux destinées bien différentes et offre un récit de science-fiction au rythme trépidant. En optant pour des versions alternatives de l’Histoire, ce virtuose du scénario souligne les travers de notre époque et notamment le fondamentalisme religieux et le racisme.

Pouvez-vous nous présenter le concept de votre nouvelle série « Uchronie[s] » ?

Eric Corbeyran: Il s’agit de trois récits apparemment indépendants qui se déroulent dans un même cadre – New York City – non pas à des époques différentes, mais dans des réalités différentes. Dans les deux premiers récits, le cours de l’Histoire a été modifié au point que la structure même de la société s’en trouve complètement bouleversée. Ces trois récits vont peu à peu s’interpénétrer à travers le personnage central, Zack Kosinski. Le lecteur est amené à suivre les trois existences de Zack et découvre en même temps que lui qu’un moyen aurait été inventé pour franchir les frontières de la réalité…

Comment est né ce projet?

E.C.: La littérature de science-fiction regorge d’uchronies. Elles sont plus rares en bande dessinée. En 2002, j’ai écrit une histoire steampunk intitulée « Le Régulateur » qui obéissait déjà dans sa forme aux principes de l’uchronie. NEW_BYZANCE_T01_1.jpgNotre modèle pour la série Uchronie[s] a été « Le Maître du Haut Château » de Philip K. Dick, qui décrit un monde au lendemain de la Seconde guerre mondiale remportée par l’Allemagne nazie.

Quelle est votre définition personnelle d’une uchronie?

E.C.: L’utopie est un artifice qui a permis à des auteurs comme Thomas More et Jonathan Swift de dire ce qu’ils pensaient de la société de leur époque, tout en conservant une certaine distance. L’uchronie permet également ce genre d’exercice. On envisage une trajectoire historique différente et on imagine les conséquences que cela aurait produit sur la société. C’est un petit jeu au cours duquel, par effet de miroir, apparaissent les faiblesses, les défauts et les travers de notre époque.

Quels seront les différents univers développés tout au long de la série?

E.C.: « New Byzance » décrit un monde tombé aux mains d’un pouvoir religieux fondamentaliste. La ville offre un visage nouveau, des souks occupent les ruelles tandis que des coupoles et des minarets côtoient les buildings.

« New Harlem » décrit un monde où la minorité afro-américaine occupe les postes clés dans les secteurs économiques et politiques. L’apparence de la ville n’a pas changé, mais la population blanche est reléguée dans des ghettos.

Quant au troisième récit – intitulé « New York » – il représente la ville et la société telles que nous les connaissons aujourd’hui. NEW_BYZANCE_T01_2.jpgLe principe est ensuite de confier une réalité à un dessinateur. Eric Chabbert, le dessinateur de « New Byzance », réapparaîtra pour réaliser le dixième et dernier tome de la série qui proposera une relecture de l’ensemble en forme de contre-point sous un angle inédit.

Vous utilisez régulièrement des éléments de l’actualité dans vos scenarii. Y a-t-il certains sujets qui vous tiennent à cœur, mais qui restent difficiles à aborder, même par le biais du fantastique ?

E.C.: La bande dessinée que j’affectionne et que je pratique habituellement (des séries réalistes, plutôt longues, avec des dessins très élaborés) ne me permet pas vraiment d’aborder une actualité brûlante qui exige davantage de réactivité, ne serait-ce que parce que le choix des moyens est trop conséquent et que la production (1 an minimum pour la réalisation d’un album) est trop lente vis-à-vis de la rapidité avec laquelle évolue les sujets d’actualité. Mes thèmes de prédilection se trouvent alors plutôt dans des questionnements plus fondamentaux comme la place de l’homme dans l’univers, le sens de la vie, ou – comme dans Uchronie[s] – la remise en cause de certains concepts que l’on croyait immuables tels le temps, l’espace et la matière.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne.

« Uchronie[s] – New Byzance, tome 1 » par Corbeyran & Chabbert. Éditions Glénat (12,50€).

10 albums (tome 1) à gagner jusqu’au 15 février 2008

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