David Chauvel : « Certains casses sont extrêmement surprenants »

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Pour cette nouvelle série de six albums indépendants à paraître tout au long de l’année 2010, David Chauvel a proposé à plusieurs auteurs d’écrire une histoire sur le thème du casse. Rencontre avec le cerveau du gang.

Après la série « 7 » déjà parue chez Delcourt, voici une nouvelle série avec six « one-shot » sur le même thème. Est-ce un concept surtout prisé par les auteurs ou par les lecteurs ?
David Chauvel. C’est un concept surtout prisé par moi-même (rires) ! En fait, j’ai repris cette idée de faire une série de one-shots sur un thème imposé pour une raison assez simple: je n’avais pas pu travailler, sur « 7 », avec tous les gens que j’aurais voulu. casse0.jpg Il fallait donc y revenir pour en finir avec ces frustrations. Je crains hélas que ce ne soit en fait pas terminé, car même après 13 albums, il y a encore des gens avec qui j’aimerais vivre cette aventure…

Il existe peut-être aussi une lassitude des longues séries qui ne se terminent qu’après plusieurs années?
D.C. Étant moi-même l’auteur d’une série en X volumes sur l’histoire du crime organisé à New York, je serai bien mal placé pour parler de lassitude ou faire la morale. Par contre, il est clair que faire une longue préparation en amont, pour pouvoir ensuite offrir aux lecteurs l’achèvement d’une série « à thème » sur un laps de temps assez court, disons une année, est un vrai plaisir. Comme eux, je lis beaucoup de bandes dessinées, et j’essaye donc de proposer des choses qui feraient plaisir au lecteur que je suis.

C’est aussi un bon moyen d’offrir une vraie chance à de nouveaux auteurs ?
D.C. Sur ces séries, le mélange entre auteurs confirmés et auteurs plus jeunes est quelque chose auquel je tiens beaucoup. En tant qu’éditeur, travailler avec des gens qui sont du métier et d’autres qui débutent ou quasiment, sont des plaisirs différents, mais très complémentaires. Sur des séries comme « 7 » ou « Le Casse », il y a un effet d’entraînement, une sorte d’esprit d’équipe et un enthousiasme qui me font vraiment extrêmement plaisir. Ces séries doivent être réalisées dans la jubilation, en espérant qu’elle soit ressentie, à la fin, par ceux qui les lisent.

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Pour cette série autour d’un casse, avez-vous été inspiré par la trilogie de Steven Soderbergh (« Ocean’s 11 », 12 et 13) ?
D.C. J’ai vu « Ocean’s 11 », mais je n’en garde pas un souvenir impérissable. En matière de casse, pour l’instant, si je devais avoir un film référence, ce serait très probablement « Du rififi chez les hommes » et son magistral « casse silencieux ». Quant à l’idée, elle est de Guy Delcourt. Nous étions tous les deux en train d’échanger des idées de thème, jamais vraiment satisfaisantes, quand il a repensé au fait que l’idée de base de « 7 voleurs » était celle de faire une histoire de casse, mais dans un univers de fantasy. J’ai bien entendu adoré et on a lancé l’idée sans attendre.

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Comment s’est déroulé le choix des scénarios ? En avez suggéré certains ou sont-ils tous nés de l’imagination des auteurs ? Êtes-vous tout de même intervenus sur certains scénarios ?
D.C. Je ne choisis pas les scénarios, mais les scénaristes. Ensuite, une fois que vous avez proposé à quelqu’un de venir jouer avec vous, il faut lui faire confiance et l’accompagner. Les deux seules choses importantes auxquelles vous devez veiller, c’est d’avoir six « histoires » différentes, dans l’univers, le butin, le nombre de protagonistes, etc… Et ensuite vérifier à la lecture des scripts qu’il n’y a pas d’éléments de ressemblance importants, d’une histoire à l’autre.

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Concernant « Le casse », j’ai vraiment eu de la chance. Tout s’est emboîté parfaitement, puisque chaque scénariste a exploré un univers différent, et chacun a apporté une identité forte à son histoire. Ce qui fait qu’au final, nous avons six albums très fidèles au thème, mais aussi très différents les uns des autres. Diriger ce genre de projet, c’est être une sorte de chef d’orchestre, capable de mettre en évidence chaque talent individuel et les faire coexister en bonne intelligence et même en émulation au sein d’un même « grand œuvre ». Bon, ça fait un peu pompeux, dis comme ça, mais je pense que c’est à peu près ça.
Concernant mon intervention, j’ai fait mon boulot d’éditeur qui est de lire les scripts et faire des commentaires, aussi pertinents que possible, mais je dois dire que leur qualité était telle que mes commentaires relevaient souvent du decorum…

Est-ce que vous désiriez une certaine cohérence entre tous les albums ?
D.C. Au contraire, il fallait le plus de différence possible. C’est ainsi qu’on se retrouve avec un récit contemporain en Sibérie, un « drame antique » autour d’un certain Jésus, un polar très noir à la sauce américaine, un western sur fond de ruée vers l’or, un polar british estampillé fin des seventies, sur fond de musique punk et un étonnant braquage solitaire par un héros qui ne l’est pas moins, dans l’Allemagne de 1936. Tout est différent, mais tout est dans le thème du casse. C’était là l’unique cahier des charges. Avec le fait de supporter mon sale caractère, bien entendu…

Il était aussi important d’offrir des lieux et des époques très différentes ?
D.C. Oui. Un bon sujet, un bon thème, pour ce genre de série est un sujet qui donne à la fois une vraie unité à l’ensemble, et qui permet des récits très différents. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas si évident que ça à trouver. On doit vraiment lire six histoires radicalement différentes, dans leur intrigue, dans leur style, dans leur ton, dans leur déroulement, dans leur écriture. Et je ne parle même pas de la spécificité de chaque dessin.

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Pourquoi aucun d’eux ne se déroule en France ?
D.C. Parce que je crois qu’il n’y a tout simplement plus rien à voler, en France. Le casse parfait a déjà été réalisé et on connaît tous les coupables, non ? Je crois même qu’on les a retrouvés. Ils sont quelque part du côté de la rue du Faubourg Saint-Honoré… Sérieusement, je n’en ai aucune idée. Personne n’a sorti une histoire « made in France » de son chapeau. C’est comme ça. Une sorte de hasard…

Est-ce que certains ont détourné les codes du thriller pour proposer quelque chose de très différent ?
D.C. Je pense que tout le monde a voulu faire quelque chose d’un peu particulier, un peu différent, surprenant. Certains ont amené l’originalité par le lieu ou le butin du casse. Par la chute, le retournement ou la surprise finale. Par la manière d’aborder le thème lui-même. Par la composition de leur « équipe » chargée de réaliser le casse, qui va d’une dizaine de personnes à une seule. Certains casses sont extrêmement surprenants, pour d’autres rien ne va se passer comme prévu, l’un a déjà eu lieu, mais c’est le butin qui a disparu… Bref, sans prétention, mais avec application, je crois que tout le monde, à sa manière, a voulu apporter quelque chose de neuf.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Le casse », collectif, Delcourt. Premier tome le 20 janvier 2010 avec « Diamond » écrit par Christophe Bec et dessiné par Dylan Teague. 


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