Clarke: « Prendre du recul par rapport à moi-même »

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Pour « Les Etiquettes », album autobiographique, Clarke aurait pu se contenter de raconter quelques anecdotes de sa vie d’auteur de BD. Il a choisi d’aller plus loin et de se confronter aussi à des évènements très douloureux. Ce qui offre une subtile palette d’émotions, pleine d’humour et de poésie.

Cet album est très personnel. Vous y évoquez notamment une rupture. Avez-vous hésité à vous livrer ainsi ?
Clarke. Oui et non. En fait, j’ai démarré ces pages sur mon blog, sans but précis si ce n’est m’offrir une distanciation salutaire par rapport à ce que je vivais. Se mettre en scène de cette manière, ça peut paraître nombriliste mais, dans mon cas, c’était plutôt me donner l’opportunité de prendre du recul, de me voir de loin… Puis, bien plus tard, on a parlé, avec Frédéric Mangé de Treize Étrange, d’en faire un album. Il a fallu alors que je relise toutes ces histoires éparses et que je structure un peu le tout, voire que j’élimine certains épisodes. C’est de toute façon pour ça que je dessine, pour que ce soit publié. Alors, pourquoi pas. Et puis, ça poussait la logique jusqu’au bout.

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Il y aussi cet épisode très douloureux du départ par euthanasie de votre maman. Avez-vous utilisé la BD pour évacuer la douleur ?
C. C’est la même chose. Une manière de prendre de la distance par rapport à soi-même. Les événements deviennent moins personnels, et donc moins douloureux. Mettre en scène un épisode aussi tragique revenait à en prendre le contrôle pour ne plus en souffrir.



Ces tranches de vie sont aussi parfois très drôles. C’est un travail différent sur l’humour que pour une série comme « Mélusine »?
C. Pas tant que ça. Toutes les histoires dans cet album, à une exception près, sont vraies. Mais certaines devaient être traitées avec légèreté et j’ai parfois poussé ou créé une chute de toutes pièces. La différence avec « Mélusine », c’est qu’on reste dans un humour très émotif, puisqu’il me raconte.

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Son titre « Les étiquettes », c’est pour justement décoller celle qui peut vous coller à la peau après plusieurs séries d’humour grand public ?
C. À priori non, ce n’est pas pour ça que j’ai choisi le titre. C’était plutôt une façon d’exister par rapport à ce que je suis, sans ingérer les jugements de l’extérieur. Mais c’est intéressant, cette question. Peut-être qu’il y a une volonté inconsciente de ma part d’exister autrement…

On y trouve aussi quelques planches pleines de poésie où vous représentez la musique avec des tâches de couleur. D’où vient cette idée géniale ?
C. Merci pour l’idée géniale, mais ça n’en est pas une : c’est ma réalité. Je suis synesthésique (NDLR : phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés). Je ne m’en suis rendu compte que très récemment et j’ai trouvé intéressant de faire des planches sur le sujet… J’ai essayé de reproduire exactement les couleurs que m’évoquent chaque son. Ça n’a pas été facile (sourire). Au final, c’est une transcription approximative de ce que je vis, mais la plus fidèle possible à la fois.

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Même si vous évoquez la perte d’inspiration en début d’album, la BD semble être une grande bouée d’oxygène. C’est plus qu’une passion pour vous ?
C. La musique est une passion : je peux en parler des heures et saouler mon entourage. La BD, c’est autre chose, c’est comme respirer, je ne peux pas faire sans.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)


« Les Etiquettes » par Clarke. Editions Treize Etrange. 15 euros

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