LE CIEL LUI TOMBE SUR LA TETE

Des extra-terrestres débarquent au milieu du célèbre village gaulois à la recherche de la potion magique. Avec un 33e tome aussi grotesque qu’indigeste, Uderzo vient d’orchestrer le suicide d’Astérix.

C’est un étrange mal qui frappe le village des irresistibles Gaulois et les sangliers alentours. Tous semblent figés dans le temps, stoppés net dans leurs gestes. Seuls Astérix, Obélix et le druide Panoramix ont échappé au phénomène. Soudain, débarque d’un immense ovni, un extraterrestre venu confisquer la potion magique du village pour éviter que d’autres E.T viennent s’en emparer. Les Nagmas « veulent être les seuls maîtres de l’univers » explique le gentil Tadsylwinien aux Gaulois.

Quantité ne rime pas avec qualité, ce 33e album des aventures d’Astérix le prouve une nouvelle fois. Malgré ses huit millions d’exemplaires lancés le même jour dans 27 pays – sans doute le plus gros tirage jamais réalisé -, « Le ciel lui tombe sur la tête » ne mérite pas de figurer dans les bibliothèques.

Certes Uderzo a encore un bon coup de crayon (on passera tout de même sur des couleurs parfois criardes et des effets à l’ordinateur mal intégrés) mais il ne remplacera jamais Goscinny au scénario. L’idée d’Uderzo est basique et l’allégorie ne fait pas dans la finesse: les bandes dessinées et dessins animés occidentaux (« Tadsylwine » est l’anagramme de « Walt Disney ») sont les gentils, les mangas (d’où les « Nagmas »…) sont évidemment les méchants… Mais quelles que soient les préférences d’Uderzo en matière de style graphique, une chose est sûre: dans cette histoire, la BD franco-belge n’en sort pas grandie.

En effet, que font donc nos sympathiques Gaulois perdus dans un univers qui n’est pas le leur? Difficile de retrouver un malheureux Romain entre un Tadsylwinien violet mélange ridicule de Mickey, Félix le Chat et Télétubbies, des super-héros en collants amateurs de hot-dogs, un Nagma jaune aux cheveux noirs dans une fusée Goldorak et des guerriers robots Goelderas… Au milieu de tout cela, Astérix, Obélix et Panoramix – qui ne bougent pas de leur village de toute l’histoire – sont seulement là pour compter les points entre les deux races d’E.T.

Bref un scénario aussi invraisemblable qu’inconsistant avec pour couronner le tout un faux final avec banquet complètement raté. Où sont passés jeux de mots, calembours, mots d’esprit et références intelligentes qu’affectionnait René Goscinny? Est-ce dans un accès de lucidité qu’Uderzo fait dire à son Tadsylwinien: « afin de faire oublier cette aventure grotesque, je vais faire en sorte que les Gaulois n’en gardent aucun souvenir »?
Malheureusement, les critiques qui pleuvent dans les médias et les forums ne devraient guère toucher le dessinateur qui déclarait encore vendredi sur France 2: « je regarde surtout les chiffres de vente ». Il peut donc dormir tranquille: grâce aux collectionneurs et à une machine promotionnelle aussi puissante que l’armée de Jules César, il y aura certainement toujours des gens pour acheter un album d’Astérix, même indigeste…

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