DE BRIQUES & DE SANG

Crimes en série au sein du familistère de Guise. Polar et utopie sociale se mêlent pour nous offrir un album passionnant et instructif.

Janvier 1914 dans la petite commune de Guise: un ouvrier est assassiné. Deux semaines après c’est une veuve retrouvée noyée dans un bassin. Les morts se succèdent ainsi au sein du familistère, une cité ouvrière expérimentale révolutionnaire. Un journaliste de L’Humanité et Ada, membre de la cité, mènent l’enquête.

Des meurtres en série mais visiblement liés entre eux, un coupable trop idéal, des détectives en herbe coriaces, « De briques & de sang » est un polar aux ressorts plutôt classiques mais rondement mené. Son intérêt n’est de toute façon pas tant l’intrigue policière que le contexte dans lequel ont lieu ces crimes. D’abord parce que nous sommes à la veille de la Première guerre mondiale et que, habilement tout au long de son récit, Régis Hautière sème des repères, des indications sur le déclenchement du conflit qui se rapproche. Mais le contexte le plus intriguant est certainement celui du familistère. Ce système d’habitation sociale a réellement existé et est né dans la tête d’un patron visionnaire Jean-Baptiste Godin au milieu du XIXe siècle. Logements confortables, école, théâtre, pouponnière, jardin, piscine, cet ensemble en autogestion accueillait plus d’un millier de personnes autour des fonderies et de la manufacture de poêles à chauffer Godin. Un petit paradis social que le dessinateur David François nous découvrir de la cave au grenier sans qu’on ait l’impression d’assister à une cours magistral et que le scénariste met à profit pour muscler son intrigue: malgré cette réussite collective, le communautarisme, les jalousies et l’individualisme sont les plus tenaces…

Aujourd’hui, ce « Palais social » a été réhabilité et des visites sont organisées en son sein. Ce peut être une bonne occasion d’aller se rendre compte de plus près de cette belle utopie ainsi que du beau travail accompli sur l’album par les auteurs.

Le site du familistère de Guise

Casterman

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