Yannick Grossetête: « Ça se moque gentiment »

Supporter de l’AJ Auxerre, Yannick Grossetête raconte la deuxième division via des histoires courtes pas toujours aussi absurdes que ça. Drôle sans être méchant, 90 minutes s’amuse des interviews d’après-match ou des insultes lancées par les supporters.

Parler de football de manière absurde était une évidence pour vous ou avez-vous exploré d’autres pistes ?
Yannick Grossetête.En fait, je ne me suis pas dit « tiens, je vais faire une BD sur le foot ». Ça a commencé avec une idée d’un gag absurde avec un arbitre, qui est arrivé par hasard alors que je regardais un match de Ligue 2 super ennuyeux, avec les tribunes quasi vides, comme ça arrive souvent… Être supporter de l’AJ Auxerre, ce n’est pas funky tous les jours (sourire) ! Je l’ai notée dans un coin, puis j’en ai eu une deuxième, une troisième, et à partir du moment où j’ai eu une quinzaine de gags, j’ai eu envie de les mettre sur papier. Là, j’ai commencé à chercher une façon de dessiner qui serait en accord avec le ton des histoires. J’ai testé pas mal de choses, puis à partir du moment où j’ai trouvé la solution graphique, j’ai commencé à trouver de plus en plus de gags, assez pour songer à en faire un album.

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Certaines histoires abordent malgré tout la vacuité de certaines interviews de joueurs ou la bêtise de certains supporters. Est-ce un moyen de critiquer certains aspects de ce sport que vous adorez ?
Y.G Les interviews de mi-temps ou de fin de match, je trouve toujours ça marrant ! On voit un joueur en sueur tout essoufflé qui résume ce qu’on vient tous de regarder. C’est comme lire le synopsis d’un film qu’on vient de voir, mais avec de la sueur… Le foot, c’est comme tout, y’a des bons et des mauvais côtés, faut savoir prendre du recul. Ce n’est pas une BD engagée contre certains aspects du foot, ça se moque gentiment et parfois il n’y a pas grand-chose à ajouter à la réalité pour que ça devienne une grosse blague. Je pense d’ailleurs qu’il n’y a pas besoin d’être un gros fan de foot pour pouvoir la lire.

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Foot ne rime pas souvent avec bande dessinée… 
Y.G C’est vrai que les BD sur le sport en général, ce n’est pas très attirant… Je pense que c’est difficile de trouver le bon angle d’approche. Ceci dit, il y a quand même des trucs super du côté de l’humour ou du décalage avec des auteurs comme Bouzard ou Pierre la Police. Il y a aussi Timothée Ostermann qui publie dans le magazine Sofoot. Il va d’ailleurs sortir un album sur le club de son village. Cela doit paraitre en mai chez Fluide Glacial. J’ai hâte de lire ça. Dans un autre registre, j’ai lu aussi « Max Winson » de Jérémie Moreau. Là, on est sur du tennis, de base ça ne m’intéresse vraiment pas, mais cette bédé a été un gros coup de cœur. 

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Avec « 90 minutes », on vous découvre très attaché à la deuxième division française. Qu’est-ce qui vous plait dans cette Ligue 2 ?
Y.G Ce que je trouve intéressant dans la Ligue 2, c’est qu’on est loin du côté people et surmédiatisé de la Ligue 1 ou des grands championnats européens. On ne verra jamais une photo de vacances de l’arrière droit du Tours FC dans un magazine people. Les stades sont à moitié vides, mais c’est rempli de vrais supporters. Pour aller voir un match de Ligue 2, faut quand même aimer son club, parce qu’il y a beaucoup de passes foirées et de tirs qui finissent en tribune. Quand je pense que des groupes de supporters traversent la France pour aller voir un match, je trouve ça quand même beau. On est loin des gars qui se découvrent supporters du PSG parce que Neymar vient d’arriver. À Auxerre quand t’es étudiant, tu peux voir le match pour 3 euros. Je suis certain que tu paies ton Coca plus cher que ça au Parc des Princes. Il y a un côté plus accessible, plus « populaire ». J’ai beaucoup d’amour et de tendresse pour la Ligue 2.



On devine aussi un peu de tendresse ou de compassion pour les arbitres ?
Y.G Oui, ça ne doit pas être facile tous les jours. Quand il y a un stade et deux équipes sous pression, faut pas se tromper… Et en même temps les joueurs n’aident pas avec toutes leurs simulations. C’est un peu de leur faute aussi ! Quand il y a une faute d’arbitrage, je comprends la colère des joueurs et des supporters, mais je me mets à la place de l’arbitre, ça doit être assez pesant.

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Graphiquement, les visages de vos personnages restent toujours vides…
Y.G Je trouve que leur enlever le visage, ça leur donne de base un petit côté « dans la lune ». Pour moi, il n’y avait pas besoin de les rajouter. Par exemple, si le personnage vient de marquer un but, l’expression de son corps et ses paroles suffit pour faire passer le message « j’ai marqué, je suis content ». J’essaie d’être le plus sobre possible pour qu’on se concentre davantage sur l’action et les dialogues.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« 90 minutes » de Yannick Grossetête. Delcourt. 15,95 euros.

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