Timothée Ostermann: « Le monde du tatouage est drôle »

En immersion dans un salon de tatouage, Timothée Ostermann a accumulé les informations et les anecdotes. Son docu fiction « Carpe Diem » n’en est que plus drôle ! On y découvre notamment que la tête de loup est très à la mode à Carling en Moselle.

Après la grande distribution et le football, qui sont des sujets qui se sont davantage imposés à vous, pourquoi le tatouage ?
Timothée Ostermann. Cela faisait déjà quelques années que mon camarade tatoueur me narrait des anecdotes sur des tatouages improbables. Ensuite, je me suis fait lourder par ma copine et ça faisait un super début pour introduire la quête du tatouage salvateur. La vie fait bien les choses parfois.

Avez-vous abordé ce reportage comme un journaliste, avec beaucoup de préparation et de questions, ou est-ce que cela a été plus instinctif ?
T.O. 
Étant un fervent défenseur des sciences sociales, j’ai lu en amont un ouvrage de sociologie du tatouage. Et puis après, je suis parti dans la foulée avec deux trois caleçons, un carnet, un stylo, mes oreilles et mes yeux, histoire de me laisser porter par le lieu.

« Carpe Diem » aurait très bien pu être un documentaire dans les coulisses d’un salon de tatouage. Pourquoi avoir choisi d’y ajouter de la fiction ?
T.O. Je pense que ce troisième opus est dans la suite logique de mon travail. J’ai débuté mon premier album avec une succession d’histoires très courtes et le deuxième tend vers un récit moins lapidaire. « Carpe Diem » s’apparente plus à un long métrage, à une quête personnelle qui dure. L’apport de plus de fiction était donc nécessaire pour raconter l’histoire que j’avais en tête. J’ai d’ailleurs été très inspiré par « A Serious Man » des frères Coen. Cet album est donc à mi-chemin entre le documentaire et la fiction.

Est-ce un moyen d’aborder la question du véritable sens d’un tatouage ?
T.O. Tout à fait. Le tatouage est un art très symbolique, très métaphorique et codifié. Quoi de mieux qu’une rupture amoureuse pour se plonger dans cet univers…

Il y a beaucoup d’anecdotes très drôles dans cet album. Le monde du tatouage est un filon inépuisable, non ?
T.O. 
Oui, tout simplement parce que les êtres humains sont très (ou parfois trop) créatifs ou au contraire très prévisibles. C’est la diversité du public et la banalisation du tatouage qui fait que ce monde est drôle. Voir un client qui pense avoir l’idée du siècle en demandant une tête de loup par exemple, ça me fait toujours marrer. Après, il y a des projets plus singuliers, il ne faut pas l’oublier non plus.

Est-ce particulier de dessiner des tatouages sur des personnages de bande dessinée ?
T.O. 
J’ai fait le choix de laisser tous les tatouages en noir, et de passer tous les autres traits dans un bleu foncé. Graphiquement, c’est un album très froid et seules les teintes de chaires et l’encre noire rehaussent l’image. J’ai essayé de garder l’authenticité des tatouages en respectant le côté réaliste. Je pense que le tout cohabite bien avec l’esprit « cartoon » de mes personnages.

Sur quelques planches, vous vous émancipez du cadre traditionnel de la bande dessinée. Est-ce le sujet de votre récit qui vous a inspiré ?
T.O. 
Je vois la bande dessinée comme un champ d’expérimentation. Il y a quelques scènes oniriques dans cet album. C’était l’occasion de se lâcher graphiquement. Et encore une fois, avec la charge symbolique des tatouages, il est très aisé de partir dans des compositions délirantes.

Vous ne montrez pas la tête de loup que vous vous êtes fait tatouer lors de ce reportage. Est-ce par pudeur ?
Je suis en effet très pudique et il va falloir attendre de me voir bronzer sur la plage cet été pour voir ce chef d’œuvre (sourire).

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Carpe diem » de Timothée Ostermann. Fluide Glacial. 17,90 euros.

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