RETOUR À ZÉRO

L’atomiste Jâ Benal est envoyé sur la Lune. Officiellement pour y purger une peine de prison, officieusement pour espionner ses habitants qui projettent de détruire la Terre. De la SF dynamique délicieusement surannée au graphisme détonant. Une nouvelle adaptation d’un roman de Stefan Wul ultra convaincante.

Dans la série des adaptations de l’oeuvre de Stefan Wul que proposent la maison d’édition Ankama, c’est sur le premier roman de l’auteur français paru en 1956 que Thierry Smolderen a jeté son dévolu. Condamné à l’exil pour une négligence ayant provoqué la mort de 40.000 personnes, Jâ Benal est expédié sur la Lune. Ça c’est pour la version officielle. Car en réalité, Jâ Benal est un atomiste de renom envoyé en mission secrète pour enquêter sur les projets de destruction de la Terre fomentés par les condamnés et leurs descendants.

A tout point de vue, cette adaptation est certainement la plus originale de la série. D’abord par le côté délicieusement rétro et naïf de ce space opera plein de références à l’univers pulp. Ecrit de manière improvisée, le roman « Retour à 0 » n’est généralement pas considéré comme l’œuvre majeure de Stefan Wul et, de l’aveu même de Smolderen, il n’est pas exempt d’erreurs narratives. Pourtant, cette histoire farfelue est éminemment sympathique et, entre le décollage pour la Lune dans un improbable scaphandre, la rencontre avec des Gôrs télépathes, une expérience microscopique dans les vaisseaux sanguins (un « Voyage fantastique » avant l’heure) et des maillots translucides comme seconde peau, on ne s’ennuie pas un instant. De nombreuses idées lancées ici annoncent d’ailleurs les thèmes qui seront repris et développés dans ses romans suivants comme l’exploration du corps, la colonisation d’une planète, la création d’une nouvelle civilisation et le bouleversement climatique terrestre. Le rôle de la femme dans la société, bonne à tout faire et esclave sexuelle sur la Lune, occupe également une très large place dans ce récit.

Le graphisme incroyable de Laurent Bourlaud y est au moins pour autant dans l’originalité de l’album. Outre le soin apporté aux costumes rigolos et aux décors, ses planches sont une vraie claque graphique, rappelant à la fois le futurisme du début du XXe siècle avec ce visuel parfois presque abstrait basé sur le mouvement et la vitesse, mais aussi les illustrés des années 50 aux couleurs primaires criardes. Le premier roman de Wul n’aurait pu bénéficier d’un plus bel hommage.

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