NOIR METAL, AU COEUR DE METALEUROP

Une BD-reportage sur les « restes » encore fumants de Metaleurop Nord. Un témoignage intéressant sur une catastrophe sociale et une pollution phénoménale.

En mars 2003, l’usine Metaleurop du Pas-de-Calais ferme ses portes laissant 830 ouvriers sur le carreau et toute une région exsangue. La liquidation judiciaire met en pleine lumière un autre scandale: l’incroyable pollution de l’environnement et les conséquences sur la santé des riverains. A Evin-Malmaison par exemple, commune limitrophe de Noyelles-Gogault où se trouve l’usine, le taux d’enfants atteints d’intoxication au plomb atteignait 26,6% jusqu’en 2003. Deux ans après la fermeture, le taux est tombé à 9%.

En 2003, Xavier Bétaucourt est journaliste pour une télévision régionale et il couvre le conflit des ouvriers avec la direction. Une semaine après le début de cette affaire, il rencontre le dessinateur Jean-Luc Loyer (« Les mangeurs de cailloux ») et l’envie naît de raconter cette histoire en bande dessinée.
Résultat, une BD-reportage qui suit les auteurs sur le site de Metaleurop Nord et leur rencontre avec les métallos. En 80 pages, ils rendent compte de la catastrophe sociale – la direction a laissé l’état de l’usine se dégrader lentement jusqu’à sa fermeture – et de la pollution au plomb pour lequel nul n’a été inquiété: « quand l’empoisonneur faisait vivre la région » déclare une riveraine alors que l’entreprise renvoyait ses salariés quelques semaines chez eux le temps que leur taux de plomb dans le sang retombe sous le seuil critique ou qu’elle subventionnait le vétérinaire et les agriculteurs pour qu’ils ne crient pas trop fort que leurs terres étaient empoisonnées et que leurs bêtes mouraient…

Cette phrase mise dans la bouche de cette riveraine, membre de l’association qui a porté plainte contre Metaleurop, résume le fil conducteur général de l’album. Certes la sympathie des auteurs (tous deux originaires du Nord) pour les métallos et leurs familles est évidente: les actionnaires suisses sont représentés comme des joueurs de golf antipathiques qui de leur green décident d’une fermeture par un simple fax parce que l’usine ne rapporte plus assez.

Mais l’album ne se veut pas militant et le ton adopté est surtout informatif. A la fin, neuf pages d’annexe proposent d’ailleurs une chronologie de l’histoire de l’usine de sa création en 1894 à sa fermeture, ainsi que de nombreuses notes. Revers de la médaille, dans la bande dessinée proprement dite, les dialogues manquent de naturel et certaines déclarations percutantes sonnent faux dans la bouche de ceux qui sont censés apporter leur témoignage à chaud. De même, en optant pour un style graphique très « franco-belge », assez enfantin, les auteurs relativisent le côté dramatique du sujet, enlevant en même temps beaucoup d’émotion à cet album qui constitue toutefois un témoignage intéressant d’une des derniers grands sites industriels de la région. A l’heure où Loyer et Bétaucourt bouclaient l’album, plus de 300 anciens salariés de Metaleurop Nord n’avaient pas retrouvé de travail. Treize s’étaient donnés la mort…

Delcourt

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