LES PIEDS-NOIRS À LA MER

Daniel est coincé entre l’amour qu’il porte à ses grands-parents pieds-noirs et son aversion pour le racisme dont ils font preuve. Un bel album sur le racisme primaire et le traumatisme enduré par les « rapatriés » d’Algérie.

Dans « Les pieds-noirs à la mer », il n’est pas question des vacances de ces Français installés en Algérie pendant la colonisation. L’album, dont le titre reprend des banderoles de dockers déployées sur le port de Marseille à l’arrivée des bateaux en 1962, raconte le mauvais accueil réservé à ces familles et la rancoeur qu’elles nourrissent depuis envers les métropolitains. Dans la famille de Daniel, 19 ans, ce ressentiment s’est transformé en racisme envers Noirs, les juifs… et les arabes en particulier… Pour Daniel qui déteste les racistes mais aime son pépé, il n’est pas facile de trouver sa place…

L’histoire, qui se déroule dans les années 80 à l’époque de « Touche pas à mon pote », est proche de l’autobiographie avec des protagonistes à têtes d’animaux inspirés de personnes existantes ou ayant existé. Outre un séquençage clair à l’aide de couleurs dominantes différentes selon les lieux et les époques, le gros point fort des « Pieds-noirs à la mer » est d’ailleurs la crédibilité de ses personnages. Sans une once de manichéisme mais avec une pointe d’humour, Fred Neidhardt dresse le portrait de « petits blancs » attachants mais tenant des propos ignobles. Enfermés dans le passé et leurs paradoxes – le pépé antisémite est marié à une juive de Constantine, la mémé qui ressemble à une arabe et qui continue de parler la langue est désespérée à l’idée qu’un de ses petits-fils soit avec une Française d’origine kabyle -, ils ne saisissent pas l’absurdité de leur attitude, ni les conséquences sur les générations suivantes. « Ce qu’ont fait nos parents, avec leur nostalgie, leurs angoisses et leur mélange de bons sentiments et de haines mal comprises, c’est tout simplement rendre leurs enfants cinglés » écrit d’ailleurs Joann Sfar qui signe la préface.

Un bel album qui vient à point nommé à l’heure d’une banalisation du racisme primaire.

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