IZNOGOUD PRESIDENT

Iznogoud pourrait remporter l’élection et devenir président à la place du Calife, c’est du moins ce que le peuple est censé croire. Mais le mage Lâkan a lui aussi un rêve fou: devenir Vizir à la place du Vizir. Un scénario fourre-tout qui ne semble fait que pour empiler des jeux de mots et calembours les plus lourdingues possibles.

Sorti le 21 février dernier, le nouvel album d' »Iznogoud » signé Canteloup, Vassilian et Tabary (le fils) cartonne en librairie en se positionnant n°1 des ventes BD dans le classement de Livres Hebdo du 2 mars, se réjouissent les éditions IMAV qui annoncent que l’album tiré à 70.000 exemplaires est en rupture de stock. Une réimpression à 10.000 exemplaires serait même envisagée…

Pourtant rien ne sert de vous jeter sur le premier exemplaire qui vous tombe sous la main. Car il risque surtout de vous tomber des mains! Si l’on comprend l’engouement suscité par l’arrivée d’un nouvel opus autour de celui qui voulait devenir Calife à la place du Calife, force est de constater que le vizir le plus méchant de l’univers aurait mieux fait de rester discret.

Le casting avait pourtant quelque chance de séduire côté humour avec au scénario Nicolas Canteloup (l’humoriste et imitateur radio) et Laurent Vassilian (co-auteur de ses sketches sur Europe 1) et un thème attractif à deux mois de la présidentielle: contraint d’organiser des élections démocratiques, le Calife a la bonne idée de désigner son fidèle Iznogoud comme adversaire, histoire de faire illusion. C’était sans compter LE grain de sable: un certain Lâkan, mage de son état, déterminé à accéder au poste de Vizir.

Mais voilà, n’est pas Goscinny qui veut et les jeux de mots et autres calembours – la marque de fabrique de la série – version Canteloup/Vassilian s’empilent ici de manière grotesque jusqu’à l’overdose. Qu’est venu faire Nicolas Tabary dans cette galère? Le fils de Jean – le dessinateur décédé en août 2011 et qui avait créé Iznogoud avec Goscinny en 1961 – est en tout cas bien le seul à échapper au naufrage, son trait restant fidèle à l’original.

Visiblement, lorsque les deux scénaristes tiennent un filon, ils l’usent jusqu’au bout. On a droit ainsi par exemple à toutes les déclinaisons humoristiques autour de la ville de Tabbah où se rend Iznogoud pour trouver un bourreau: « le bourreau de Tabbah », « Tabbah rit, « les passages à Tabbah », « faites-lui un Tabbah ». Idem pour le mage Lâkan (« les tripes à la mode de Lâkan », « Lâkan tique », etc) ou le pal (« être de très mauvais pal », « l’iPal »…). Pris séparément, certains jeux de mots sont bien vus mais, dans le contexte, ils sont tellement répétitifs que ça en devient lourdingue, lassant et pas drôle du tout. On touche au summum du ridicule avec les allusions pas du tout fines aux réseaux sociaux: la chèvre fez-bouc (et ses « I like », « I like pas »intempestifs) qui écrit au stylo-bique des messages sur les murs… On en saura pas plus, c’est à cette page que l’album a été définitivement refermé.

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