FACTEUR POUR FEMMES

1914, sur une petite île bretonne. Handicapé par un pied-bot, Maël remplace le facteur parti comme tous les hommes valides à la guerre. Celui qui n’avait jusqu’ici jamais intéressé la gent féminine va se retrouver au milieu des épouses et des mères esseulées, fragilisées… Une histoire prenante en marge de la Grande Guerre.

Août 1914. Dans cette petite île bretonne comme dans le reste de la France, c’est la mobilisation générale. Après le départ de tous les hommes valides, les villageois restants doivent s’organiser. Maël, non mobilisé à cause de son pied-bot, remplace le facteur. Seul homme jeune et vigoureux de l’île, il va progressivement se rapprocher des femmes esseulées.

« Facteur pour femmes » est moins un récit sur la Première Guerre mondiale qu’une histoire de rapports humains. Du conflit en lui-même, l’on ne verra rien et l’île sur laquelle se déroule l’intrigue n’est pas non plus clairement identifiée, simplement savons-nous qu’elle se trouve en Bretagne. Certes, on retrouve le précieux témoignage des Poilus décrivant dans leurs lettres l’horreur du conflit, on découvre les « Gueules cassées » (les soldats mutilés et défigurés à la suite de graves blessures) mais les femmes sont les véritables héroïnes de ce one-shot: Gaud, Soazig, Clémence, Solange, Germaine, Nolwen…, elles reprennent avec courage le travail des hommes, en plus de celui qui leur était dévolu avant la guerre, mais elles restent aussi voluptueuses, désirables et désirant…

Mêlant dialogue et narration en voix off, « Facteurs pour femmes » développe un scénario riche, offrant plusieurs rebondissements inattendus. Si certains passages sont un peu longs et redondants (surtout au début lorsqu’on veut nous expliquer qu’il ne reste plus que les enfants, les vieux et les femmes sur l’île), l’album est bien construit. Didier Quella-Guyot (« Papeete, 1914 », « Spyware ») montre en effet avec subtilité la métamorphose de Maël, jeune maigrichon un peu nigaud, en homme plein d’assurance, manipulateur et un brin inquiétant.

De son côté, Sébastien Morice (« Papeete, 1914 »), amoureux de la Bretagne qui l’a vu naître, signe de très belles planches aux couleurs douces où s’étalent des paysages sauvages, rocailleux et venteux, des fermes isolées et des Bretonnes en costume traditionnel. Seul petit bémol: on a du mal à différencier certaines jeunes femmes les unes des autres.

« Facteurs pour femmes » est une belle histoire d’amour et de revanche, à la fois légère et dramatique.

Dessinateur : Sébastien Morice – Scénariste : Didier Quella-Guyot – Editeur: Bamboo, collection Grand Angle – Prix: 18,90 euros.

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