Des éditeurs indépendants boycottent la Fête de la BD

Dans un pamphlet intitulé « La fête de la BD: défaite de la bande dessinée », plusieurs maisons d’édition dénoncent une manifestation purement marketing.

Alors que le groupe BD du syndicat national de l’édition (SNE) – qui reproupe Glénat, Casterman, Soleil, Delcourt, Vents d’Ouest, Dargaud, Lombard, Pika, etc – s’apprête à lancer en grande pompe sa première Fête de la BD (du 28 mai au 4 juin 2005), dix petits éditeurs s’insurgent.
Dans un communiqué de presse, intitulé « La fête de la BD: défaite de la bande dessinée », L’Association, Atrabile, Cornélius, Ego comme X, Frémok, FLBLB, Rackham, Les Requins Marteaux, 6 pieds sous terre et Vertige Graphic dénoncent une manifestation qui n’est, selon eux, qu’un simple outil marketing:

« La fête de la BD: défaite de la bande dessinée »:
« Les industriels de la bande dessinée nous annoncent aujourd’hui à grands
renforts de tambours la création de « la fête de la BD ». On nous promet de la
BD à tous les repas, de la BD à tous les coins de rue, et même que « les
français vont descendre dans la rue pour faire de la BD » (sic). On nous
explique encore que cet évènement glorifiera la bande dessinée sous toutes
ses formes et dans toutes ses tendances.

Nous, éditeurs de bande dessinée alternatifs, affirmons que la diversité ne
sera pas du cortège et que cette manifestation est entièrement destinée à
promouvoir ce qui est pensé pour être vendu.

L’idée que la Bande Dessinée puisse être autre chose qu’un divertissement
facile est très neuve. C’est une idée qui a grandi lentement, de manière
chaotique et imprévisible, au rythme de la végétation qui s’épanouit sur les
chemins. Mais les industriels n’ont pas ce genre de patience et rêvent
d’autoroutes. Ce que cette fête de la BD annonce en réalité, c’est précisément que la fête
est finie et qu’après une décennie de création, le commerce doit reprendre
ses droits.

S’appuyant sur les personnages les plus caricaturalement vendeurs de leurs
catalogues, les industriels s’achètent aujourd’hui un événement de taille
nationale et veulent faire croire par la magie du marketing que la bande
dessinée se résume à des héros de verres à moutarde et à un ersatz papier
des séries télé les plus complaisantes. C’est comme si le cinéma
s’autocélébrait soudain en choisissant de se réduire aux « Bronzés », à « Don
Camillo » et à « Taxi 12 ».

La bande dessinée est constituée d’autant de courants que le cinéma, la
littérature ou les arts plastiques. Mettre en avant son versant le plus
bassement commercial afin de le faire passer pour le genre tout entier est
depuis trop longtemps la stratégie des marchands de soupe.

Nous, éditeurs de bande dessinée alternatifs, tenons à rappeler que la bande
dessinée peut être l’absolu contraire de ce que cette mascarade commerciale
va présenter. La bande dessinée d’aujourd’hui est plus que jamais un moyen
d’expression riche, divers et parfaitement en phase avec son époque, dont le
moteur, il est bon de le rappeler, reste entre les mains des auteurs et des
créateurs.

Nous, éditeurs de bande dessinée alternatifs, boycottons cette « fête de la
BD », pour laquelle les organisateurs accumulent les déclarations malhonnêtes
et les ambitions les plus cyniques, et la considérons comme une insulte
faite à l’intelligence et à la diversité du moyen d’expression qui est le
nôtre.

Ainsi, pendant que des Obélix et des Titeufs géants se dandineront
misérablement dans les rues, nous irons travailler à nos prochains ouvrages,
en les espérant suffisamment beaux, originaux et pertinents pour qu’on
puisse un jour évoquer la bande dessinée en parlant de livres plutôt que
d’albums, et d’oeuvres plutôt que de marionnettes. »

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